[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]Exil PolaireJ’ai vu tant de beautés graciles au regard
Troublant, azur et clair, aux cuisses effilées,
Qui flottaient sur le vent de mon furieux hasard,
Telles d’impossibles conquêtes effrontées.
Moi, seul et meurtrier de ma propre candeur
Accablé de savoir cette vaine naissance,
J’éventrai sur bâbord ma coque de douleur
Et jetai par tribord mon ancre d’espérance.
Hissant mon sabre d’abordage je lançai
Mon bras déchiqueté vers la tête de proue
Qui voleta. Dans l’air suspendu, je dansai
Sur ce pont des soupirs ma tendre ivresse floue.
Il restait un canot ballottant son mépris
Comme la marionnette au-dessus d’une lame,
Et j’y fis mon tombeau, sous le ballot très gris
Des nuages couvrant la cime de mon drame.
Alors souquant au loin, ramant sur l’horizon,
Je vis le soir poser la cape de son ombre,
Etreignant en ses plis la muette oraison
Funeste et sans passion qui brumait la pénombre.
Puis enfin j’arrimai mes folles déraisons.
Sur la banche contrée où le froid de l’absence
A bâti des géants qui se rient des saisons,
Je patiente immobile en ce morne silence.
Sur la banquise lente immaculés de vous,
Mes souffles inféconds en larmes cristallines
Se figent au cadran de mes vains rendez-vous,
Et brodent sur le temps de fines mousselines.
Jérôme