Coup de chance

Coup de chance...

Putain de vie ! J’arrive encore trop tard. Tu penses, les dix paupiettes de chameau pour cinq euros, c’était trop beau ! Regarde-moi ce gros con, il a pris les dernières, j’ai bien envie de me le faire. C’est pas dur dans le parking souterrain, un coup de pied dans le paquet cadeau et hop, à moi le festin oriental ! Remarque, cet enfoiré est peut être expert en arts martiaux ! A la télé, j’ai vu un maître chinois dégommer une section de Bérets Verts comme d’autres cueillent les framboises, avec le sourire et en sautillant, tel une rosière boutonneuse.

Mais j’y pense…. Je pourrais lui racheter ! Six euros…allez, j’irai même jusqu’à sept ! Non, je suis sûr qu’il voudra pas, il est plutôt du genre campeur, installant son bivouac à l’entrée des magasins et se précipitant dès l’ouverture, chassant du bras les cohortes hostiles de ménagères en transe.

Là, je suis mal ! Moi qui ai promis à Claudine le dépaysement culinaire et le Mirage Saoudien, je vais quand-même pas me rabattre sur les nems biodégradables ou les samoussas clonés à l’ancienne. Du coup, je n’ose plus rentrer à la maison ! J’aurai l’air de quoi avec mes chinoiseries pendant que ma mousmé peaufinera son costume de danseuse du ventre ?

Bon ! Je n’ai plus qu’à regagner mes pénates, tel un doberman repentant d’avoir pris, à sec, son vieux copain le Yorkshire, dans les toilettes du Concours Canin. Comment dire à ma promise qu’elle n’a plus qu’à remettre son jean Naf Naf et ses godillots en peau de chagrin ? Ainsi va la vie et son cortège de petits détails qui empoisonnent le quotidien.

- Eh ! T’as pas un euro ou deux ? J’ai plus de cartouches pour mon fusil à pompe !

Manquait plus qu’ça, un sdf !

- Fusil à pompe ? Dis…t’as vraiment plus de cartouches ?
- Si M’sieur, une seule, j’en garde toujours une pour me faire sauter la tronche, au cas où !
- Alors, on va pouvoir s’entendre, viens avec moi ! Tu vois ce mec, là-bas, le gros tas devant le monospace. !
- Mouais, et alors ?
- Alors…. si tu le flingues, je t’offre deux boites de cartouches et un jéroboam de Veuve Clicquot
- Je peux pas avoir du Champomy à la place, j’ai déjà le foie gonflé comme un ballon sonde… !
- Tout ce que tu veux mais descends-moi ce salaud.. ! Ah ! Tant que tu y es, pique-lui aussi la poche en plastique, la jaune !

Cinq secondes, le clodo avance d’un pas décidé.
Dix secondes, il arrive à portée de tir.
Quinze secondes, il braque Dupont Lajoie.
Seize secondes, il tire.
Oups ! Ca fait quand-même quelque chose, je n’aurais jamais cru être sensible à ce point !
Allez Ducon, dépêche-toi, j’ai un four à préchauffer, moi !

- Voilà M’sieur, comme à la parade, envoie la braise !
- Tiens voilà cinquante euros…. et marche à l’ombre !

C’est dingue comme la chance peut parfois sourire, moi qui n’ai jamais gagné le moindre panier garni au Loto Communal, pas même un porte-clés, me voici éclairé par la providence, récompensé de quarante ans de doutes et de matins pluvieux.

Alors ce soir, dîner aux chandelles, thé à la menthe et, avec un peu de chance, exploration du Gouffre de Claudine en apnée et visite guidée de son paysage vallonné avec dépliant touristique en couleur et concert de Khaled à la Médina de Vals les Bains…

*

Jérôme

Le sujet n'est pas gai mais c'est écrit avec tellement d'humour que c'est un délice !

Un vrai délice ! Moi j'ai trouvé ton histoire très drôle, Cela m'a fait rêver d'un fusil à chevrotine, je suis passée au pistolet à eau, c'est tout ce dont je suis capable ! Mais quel pied d'arroser : un méchant regard, une bêtise...
et hop ! un coup de flotte !
Un régal de te lire, merci de partager.
je t'embrasse bonne journée,
Nat .