Mon troisième grand père.
Chapitre I
« Grand mère raconte moi l’histoire de ta vie … »
« N’as tu donc rien à faire de plus intéressant ? »
« Oh si ! Je pourrais jouer à l’école ou avec les coquillages ou… mais rien ne sera plus intéressant pour moi ! »
« Est-ce vrai ? »
« Oh oui ! » je pris mon canevas et m’installai sur un coussin à ses pieds pendant qu’elle ronchonnait sur tous les trous de chaussette et tous les hommes de la famille qui ne font que des trous à leurs vêtements !
« J’avais vingt ans quand ton grand-père est mort… Nous repartîmes à Saint Petersbourg. La famille B. me versa une pension pour élever dignement mon fils. Quant à moi je pris un emploi dans une banque appartenant à nos amis.
Je voulais travailler sérieusement pour ne pas être à la charge de ma sœur, ni de qui que ce soit.
Me voici dans une banque, devant un boulier avec des comptes et des écritures à faire
Les comptes… j’avais horreur de ça ! Même avec le boulier je m’empêtrais toujours !
Le travail n’était pas fatiguant et se terminait de bonne heure.
Ton papa grandissait à vue d’œil. Tous les étés nous allions sur les bords de la mer Noire … l’hiver les gouvernantes remplacèrent la nounou… et les années passèrent gaiement pour moi…
J’étais invitée à tous les grands bals du Palais d’Hiver, à l’âge de dix ans mon fils
m’accompagna, il était fier de me donner le bras, vêtu de son uniforme de l’école des Cadets … ma première danse était toujours pour lui.
On ne le dirait pas maintenant… mais à l’époque il portait des gants blancs qu’il changeait tous les jours et prenait un fiacre pour aller à l’institut qui pourtant était qu’à deux pas !
Regarde les trous de ses chaussettes c’est lui qui est le plus négligé ! »
J’étais triste de penser que papa était moins bien que les autres membres de la famille.
Mais on ne discute pas avec grand mère ! je me taisais en espérant la suite de son histoire…
« J’avais beaucoup de prétendants, mais j’en choisis trois parmi eux : l’un était officier de la marine, l’autre écrivain et le troisième terminait ses études de magistrature, ma sœur lui avait loué une chambre chez nous…
Un jour je l’ai invité à prendre le thé et je versai du sel dans le sucrier… il se servit, trois petites cuillères et commença à boire j’étais prête à éclater de rire ainsi que ma sœur qui était au courant de ma facétie… et lui ? Eh bien il a bu sans ciller sa tasse de thé… nous n’en sommes pas revenues… bien sur nous sommes restées aussi sérieuse que lui !
Ce jeune homme était très grand et beau, mais timide comme ce n’était pas possible !
Il n’osait pas me parler et rougissait pour un rien ! Je décidai de le séduire…
Le marin et l’écrivain m’avaient déjà demandé en mariage… et pourquoi pas ce grand dadais ?
Un jour je demandai à ton père : « si je devais me remarier lequel des trois choisirais-tu comme beau-père ? … » C’était évidemment l’officier de marine qu’il préférait car lui aussi voulait être marin plus tard….
J’ai hésité un certain temps. Michel (l’étudiant) a fini par me demander en mariage…
Il avait vingt ans et moi trente, mon fils en avait déjà quatorze ans…
Jamais Michel ne sera un père pour lui, au mieux un ami plus tard !
J’acceptais ce mariage à condition que ses parents nous donnent leur bénédiction !
Michel tardait à leur écrire…j’ai tout de suite compris qu’il craignait son père…
Alors j’ai rédigé une longue lettre en me présentant et lui disant que s’il ne désirait pas de cette union, je me retirerais et ne parlerais jamais de cette démarche à son fils…
Quelques semaines plus tard Michel recevait un mot de son père lui ordonnant de revenir après les examens et m’invitant avec mon fils à venir passer les vacances chez eux dans une immense propriété en Ukraine…
J’annonçai la nouvelle à ton papa… qui partit furieux en claquant la porte …
« Ce n’est pas lui que je voulais ! Ce n’est pas lui ! »
Jamais il n’a été aussi en colère contre moi, j’étais triste mais je le comprenais…
Je fis mes malles et nous partîmes tous les trois vers l’inconnu…
Je pourrai toujours revenir en arrière si la famille ne m’accepte pas, ou ne me plait pas…mais au fond de moi je savais que les jeux étaient faits… c’était mon choix…
Nous avons gardé notre appartement à Saint Petersbourg …Je ne voulais pas m’enterrer à la campagne jusqu’à la fin de mes jours…
Pour mon fils quand il fera ses études supérieures, un pied à terre dans la capitale était toujours une bonne chose…Nous gardâmes l’appartement.
Je fus accueillie avec mon fils, comme une amie … les W.W. étaient une grande famille de propriétaires terriens. Michel avait trois sœurs et un jeune frère… Ma future belle mère organisa des dîners pour me présenter aux voisins et aux nombreux amis de la région…La date du mariage fut fixée en avril 1911. »
- « C’était mon grand-père, dit ? c’était lui mon grand’ père ? »m’écriais-je ;
- « Non petite sotte, ton vrai grand-père était mort ! »
- « Je ne l’ai jamais connu ! Mais Diedou est mon seul, mon vrai grand ‘père ! » murmurais-je avec des larmes dans la voix… je partis dans ma chambre en pleurant…
Chapitre II
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Ce soir je lui demanderais à mon Diédou …car tous les soirs je guettais son retour du travail, dés que sa silhouette apparaissait au coin de la maison d’en face je me précipitais vers la porte pour la lui ouvrir à l’arrêt de l’ascenseur ; je l’accablais de mon babillage, qu’il supportait avec le sourire. Je ne le quittais que quand, à moitié endormie, il me portait sur mon lit…
Osez dire après ça que ce n’est pas mon grand père !
Je me suis jetée à son cou en pleurant… « Dis-moi, Diédou que tu es mon grand-père ! le seul, le vrai, et que je n’en n’aurai jamais un autre… »
Il me prit dans ses bras me consola, je me blottis contre lui… Puis il alla me déposer dans ma chambre…
Je l’entendis pour la première fois gronder ma grand’ mère :
« Je t’interdis, tu entends, je t’interdis de dire à cette enfant que je ne suis pas son grand père ! » elle essaya de répliquer,
« Tais-toi ! »
Pendant un certain temps je n’osais pas demander à ma grand’ mère l’histoire de sa vie…
Mais ma curiosité l’emporta sur mes craintes…
J’arrivai timidement avec mon canevas dans sa chambre
-« Viens t’asseoir près de moi, ma petite, » me dit-elle.
Heureuse je m’installai sur un gros coussin et attendis qu’elle veuille continuer notre histoire.
« Après notre mariage Michel et moi partîmes en voyage de noces… j’ai du laisser mon fils dans cette nouvelle famille j’avais le cœur déchiré, mon mari ne comprenait pas mon chagrin, il était même jaloux de l’amour que je portais à mon fils… je cachais mes sentiments au profond de moi pour ne pas gâcher notre lune de miel…. Nous devions visiter une partie de l’Europe…la Suisse, l’Allemagne, la France et l’Italie, puis repasser par Paris
Ce voyage dura deux ans …Moi qui était indépendante, il a fallu me plier …j’ai appris à me taire, j’ai appris à sourire au lieu de rire aux éclats … quand j’ai été sure que j’attendais un bébé nous décidâmes de revenir…
J’étais heureuse de revoir mon fils, heureuse de reprendre une vie normale …
J’avais besoin de vivre par moi même…de construire quelque chose ….
à suivre...
Mar 10 Juil - 6:08