Les Volcans de Larmes
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 Fin de l''enfance ch. III et IV

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2 participants
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Natacha Péneau

Natacha Péneau


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MessageSujet: Fin de l''enfance ch. III et IV   Fin de l''enfance ch. III et IV Icon_minitimeVen 22 Juin - 6:24

. III

Un jour je fus convoquée dans un bureau où m’attendait une assistante sociale. J’ai appris par la suite que j’étais son premier cas…je me souviens que je n’ai pas été aimable, répondant à ses questions par des « ça ne vous regarde pas » mutisme, mais politesse malgré tout…Elle me demanda si j’acceptais de voire ma mère ? quelle question ? J’étais prête à pactiser avec le diable lui même, s’il s’était présenté…Mais gardant une dignité de façade, j’acceptais du bout des lèvres.
Une semaine après cette entrevue je fus convoquée au parloir, Maman était venue …
Je pouvais dialoguer, poser des questions, savoir enfin ou j’en étais ?
Ma situation n’était pas brillante, accusée de vagabondage pour le moins, je devais passer en jugement, ma mère ne pouvait plus arrêter le processus… elle s’était adressée à une amie parlant un français impeccable ; il faut dire que maman jusqu’à la fin de sa vie n’a jamais pu parler correctement notre langue, qu’elle avait pourtant apprise en Russie… cela faisait partie de son folklore, mais elle n’aurait pas pu prendre ma défense devant le juge…
J’avais droit à une visite tous les quinze jours. Je savais que quelqu’un avait pris mon destin en main…Les sévices et la cruauté n’avaient plus le même impact sur moi…

IV

A la demande de mon assistance sociale, tenant compte de mon jeune âge, je fus envoyé à l’orphelinat…pour mon bien !
Le règlement était tout à fait différent, considérée comme « criminelle », j’étais reléguée aux travaux ménagers et à la cuisine avec interdiction formelle de parler aux pensionnaires de l’orphelinat ; nous étions plusieurs dans le même cas, soigneusement séparées pour ne pas communiquer entre nous…
Les pensionnaires nous toisaient en nous considéraient comme leurs servantes, ce que nous étions.
Les visites étaient interdites et ce fut pour moi une époque très pénible…
Un soir l’on me prévient que je retournais à l’assistance publique, sans explications…
Je trouve que c’était une cruauté mentale que de laisser l’enfant que j’était dans l‘ignorance totale de son sort. Avais-je commis une faute ? avais-je mal fait le ménage ou les lits ?
Après une nuit blanche, je revêtis mon uniforme blouse à carreaux et cape bleue nuit, une personne inconnue m’emmena à Denfer Rochereau où je retrouvais avec joie mes anciennes camarades…
« Mais non, grosse bête, c’est ton jugement cet après midi » me dit l’une d’elle…nous étions une quarantaine à passer au Palais de Justice.
Un souvenir de honte m’a poursuivi très longtemps, pourtant ce n’est qu’un détail parmi tant d’autres : alignées par quatre, encadrées par des gardes chiourmes hommes et femmes munies de leur bâton et de leur fouet nous partîmes à pied jusqu’au Palais de Justice…
Je baissais la tête ayant l’impression que tout le monde me voyait, je me sentais marquée au fer rouge ; rien, non plus rien ne serait jamais comme avant. En perdant mon enfance, je perdais ma dignité d’être humain…c’est à ce moment là, dans la rue, dans la honte du regard des autres que je me suis sentie le plus démunie…
Arrivées en troupeau au palais, nous avons été parquées dans une petite salle, en attendant l’arrivée du juge et des avocats commis d’office qui l’accompagnaient…L’attente fut longue plus de deux heures, quand enfin on nous appelle par notre nom, l’enfant ne restait que quelques minutes dans le prétoire ; en ressortant il murmurait : « coupable », maison de correction ou travail dans les fermes, étaient les seules sentences…Je ne comprenais pas pourquoi mon nom ne venait toujours pas…par ordre alphabétique j’aurai du être appelée depuis longtemps… je n’entendais que le verdict : « coupable, coupable, coupable ! »
Certaines parmi nous avaient déjà eu l’expérience des travaux dans les fermes, elles consolaient les autres et leur donnaient de bons conseils… « surtout fais gaffe au mari de la fermière, tous les ennuis viennent de là » … « Oui, moi c’est la troisième fois que je passe devant le juge pour mauvaise conduite, tout ça à cause du bonhomme qui me sautait dessus dès que sa femme avait le dos tourné… Là je suis sûre d’aller en maison de correction ! »
« C’est pas plus mal » disaient les unes.
« La ferme a ses avantages, on y mange mieux ! » affirmaient d’autres voix…
J’attendais toujours l’appel de mon nom …trente neuf « coupables » sont passées avant moi .M’auraient ils oubliée ? Quand enfin j’entendis : Bournacheff.
C’était moi, sans aucun doute, qui passait en dernier. Je me précipitais dans une pièce surchauffée. Dans un coin des hommes en noir parlaient et riaient sans s’occuper du tout de ce qui se passait autour d’eux – c’était les avocats commis d’office – ,le juge assis derrière son bureau surélevé sur une estrade, l’assistante sociale , que j’avais vue une fois, se penchait sur lui en lui indiquant des passages du dossier, le mien certainement… devant le bureau se tenait ma mère accompagnée de son amie…
Quand le juge lui fit un signe de tête, elle fonça sans se faire prier dans l’explication de l’âme Russe, le besoin de liberté, la tradition de vagabondage, citant Tolstoï et autres classiques dont je ne me souviens plus, avec quelques trémolo dans sa belle voix ; c’était du plus bel effet. J’enfonçais mes ongles dans la paume de mes mains, sentant le fou rire monter en moi…Le juge arrêta cette brave dame dans son élan pour chuchoter avec l’assistante sociale, me posa une question que je ne compris pas tant j’étais émue et prononça d’un ton docte :
« Liberté surveillée jusqu’à la majorité… »
Tout le monde avait l’air ravi, moi j’étais complètement abrutie …J’étais la seule libérée sur quarante enfants qui me serraient la main, me félicitaient … le tout avait durée deux heures ; et nous reprîmes le chemin du retour…
A peine arrivée, je m’écroulais, vide sous le choc que je ne comprenais pas encore…Le lendemain l’assistante sociale devait venir me chercher pour m’emmener dans une petite pension familiale à Gagny , banlieue Est de Paris, où je devais poursuivre des études normales.
J’étais censée oublier cette expérience. Repartir d’un pied nouveau dans cette vie qui m’offrait généreusement, à douze ans, une autre chance !

Natacha Péneau


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Rodes (nurtapa)
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MessageSujet: Re: Fin de l''enfance ch. III et IV   Fin de l''enfance ch. III et IV Icon_minitimeVen 22 Juin - 7:07

Bonjour Natacha,

Avoue que tu as eu de la chance ! Ceci dit, condamner une gamine pour vagabondage, c'est déjà une ineptie en soi.

Amicalement

Jérôme
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Natacha Péneau

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MessageSujet: fin de l'enfance.   Fin de l''enfance ch. III et IV Icon_minitimeVen 22 Juin - 10:12

Bonjour Ami,
j'avoue et confirme: j'ai toujours eu beaucoup de chance de m'en sortir à chaque fois...Mon parcours a été riche...j'ai d'autant plus apprecié tout le bonheur que la vie m'a donnée.
Bonne journée, à bientôt
Nat.
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MessageSujet: Re: Fin de l''enfance ch. III et IV   Fin de l''enfance ch. III et IV Icon_minitime

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