Les Volcans de Larmes
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L'essentiel de la douleur humaine
 
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 Fin de l'enfance.

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Natacha Péneau

Natacha Péneau


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MessageSujet: Fin de l'enfance.   Fin de l'enfance. Icon_minitimeJeu 21 Juin - 8:05

FIN DE L’ENFANCE …

Il est vrai qu’un jour l’on se réveille et c’est la fin de l’enfance !
Je voulais être maîtresse de ma vie… acquérir une indépendance vis à vis de ces grandes personnes qui à mon avis sont misérables, naïves et surtout ne comprenant rien, mais rien à rien aux enfants.
Je n’intéressais plus personne, ma mère travaillait à Munich, mon père était quelque part en Normandie, ma grand-mère ne voulait plus entendre parler de moi, ni moi d’elle…
Ma mère avait épuisé toutes les amies qui me prenaient pour de l’argent, des colis alimentaire et ne s’occupaient absolument pas de moi !
J’avoue, j’étais infernale, n’écoutais personne, n’allais plus à l’école, et passais mon temps libre au cinéma… J’en avais repéré plusieurs où je pouvais me faufiler sans billet ; il fut un temps où je voyais tous les films de la semaine…
Je marchais à travers la capitale que je finis par connaître par cœur. Je prenais un air sérieux et pressé comme la plupart des parisiens à cette époque. Personne ne faisait de lèche-vitrine, à part les uniformes verts de gris et leurs compagnes.
Enfin ma mère réalisa que j’étais totalement livrée à moi-même et réussit à revenir à Paris…me fourrant à droite et à gauche pendant qu’elle travaillait en cherchant fébrilement une pension pour m‘y inscrire…
Une chose lui avait échappé… j’avais goûté à la liberté ! et ne comptais pas obéir à n’importe quel ordre, généralement stupide, asséné d’une voix mordante…
Pourtant je fis honnêtement un essai dans une pension de bonnes sœurs à Montrouge…Nous nous levions à cinq heures du matin pour une toilette sommaire dans un dortoir glacial. L’eau du broc était recouverte d’une pellicule de glace !
Puis à moitié endormies, nous révisions nos leçons ou faisions nos devoirs dans une classe non chauffée. Traînant nos guêtres jusqu’au petit déjeuner composé d’un liquide chaud sans odeur ni saveur et de notre ration de pain pour la journée, que j’engouffrais avec bonheur sur un estomac criant famine ; puis les longues heures de classe s’égrenaient jusqu’au déjeuner le tout dans une discipline de fer où l’on aurait entendu une mouche voler ! Mais je crois qu’à cette époque, il n’y avait même pas de mouche !
Ce qui me frappait pendant le déjeuner et le dîner, c’est le fumet délicieux qui pénétrait nos narines au passage, de la sœur aide cuisinière, qui portait les plats dans la salle à manger des bonnes sœurs ! Evidemment rien à voir avec le brouet qui nous était destiné…
« Bonne » était un euphémisme ! car je n’en ai jamais rencontré dans ce pensionnat. Revêches, jamais un mot gentil, jamais un sourire ! je me suis imaginée que ce devait être un signe du catholicisme, car d’après mes souvenirs le clergé orthodoxe était très doux et souriant… La preuve : à confesse quand le pope me demandait si j’avais péché, je lui répondais toujours « Oh oui… » et qu’as-tu fait me demandait-il de sa voix douce ?
« Tout absolument tout, batiouchka ! » « Bien, bien, me répondait-il, va jouer en paix ! »
Il faut dire que nous nous confessions à l’âge de raison, c’est à dire sept ans …
Notre pope n’aurait certainement pas mangé de bonnes choses passant sous le nez d’enfants affamés !
Je décidais de partir en guerre contre les catholiques ! Mon grand père très croyant m’avait raconté pas mal d’histoires croustillantes … Nous n’avions jamais reconnu la sainteté du pape ni son autorité…
Donc les histoires des Borgia et de la papesse Jeanne ! bouillonnaient dans ma tête… Quelle femme ! Avoir pu rouler tout le clergé en se faisant passer pour un homme ! Se faire élire pape et accoucher dans la rue sur son cheval ! ça c’est un pape …
Me voici prêchant contre les catholiques et racontant avec maints détails toutes les histoires dont je me souvenais si bien et qui passionnaient les autres pensionnaires…il faut dire que j’y mettais tout mon cœur…
Bien sûr ma propagande anticléricale arriva aux oreilles de ces bonnes dames ! Qui convoquèrent ma mère et me renvoyèrent sur le champ ! Sous prétexte que j’étais une fille du démon … ma mère ne croyant ni en Dieu , ni au diable m’a longuement interrogée pour savoir quelle bêtise j’avais encore faite… Finalement elle décréta qu’elles (les sœurs) étaient ridicules…et nous rentrâmes à la maison traînant ma lourde valise…

II

Ma mère eut une idée géniale…prendre une gouvernante, une vraie avec d’authentiques certificats…
Je me retrouvais dans nos deux pièces mansardées sans aucun confort dans la banlieue parisienne…ma mère vivait dans une chambre d’hôtel près de son lieu de travail, il n’y avait pas de moyen de locomotion suffisant à cette époque et le couvre feu rendait les déplacements en banlieue très aléatoires…
Je devais donc vivre avec cette vieille femme très bien élevée, qui estimait que je n’étais pas digne d’elle et de ce fait, ne m’adressait pas la parole, et ne s’occupait pas du tout de moi... J’allais voir ma mère à Paris le samedi soir jusqu’au dimanche.
En classe c’était l’effervescence ; nous devions faire un dessin à thème « Le Maréchal Pétain » J’ai eu la chance de gagner le premier prix et de ce fait, fut invitée à un goûter à Paris avec tous les premiers prix des écoles parisiennes…et banlieusardes.
Pour moi c’était le cauchemar, j’étais noire de crasse avec un seul pull que je portais en guise de manteau…une paire de chaussettes que je n’avais pas changée depuis au moins quinze jours…non je ne pouvais décemment, pas aller représenter mon école. Je m’enfuis rejoindre ma mère…qui me garda près d’elle attendant que la gouvernante lui signale ma disparition…
Cette femme très bien élevée est venue à la fin de la semaine chercher sa paye.
« Si votre fille ne revenait pas, je pensais bien qu’elle serait avec vous… »
Ainsi se termina mon expérience d’une très bonne gouvernante, n’ayant travaillé que dans de très bonnes familles avec des enfants très sages et très gentils.
Cela ne réglait pas le problème de ma mère : me mettre quelque part, loin d’elle si possible en pension de préférence…
Je décidais de jouer le grand jeu. Partir de chez nous et essayer de vivre autonome.
J’ai tenu trois jours…c’est énorme, la ville était sous couvre feu, rien à manger sans tickets d’alimentation. Un jour, une prostituée m’a offert un sandwich… un autre jour, un garçon m’a proposé de faire le guet. Ce que je fis consciencieusement contre un peu d’argent, qui me permis d’acheter des tartelettes à la carotte, ayant un drôle de goût mais vendu sans carte d’alimentation…
Le troisième jour je décidais à négocier avec ma mère mon retour à la maison : seule condition de ne pas aller en pension. Je téléphonais à l’atelier où ma mère travaillait en lui fixant rendez vous dans un lieu neutre.
Je m’approchais lentement du café où ma mère devait m’attendre et je voyais dans la vitre le visage si doux de maman, tout allait s’arranger, pensais-je…
Quand, deux hommes inconnus me prirent sous les aisselles, j’avais beau me débattre comme un beau diable… je me retrouvais dans un commissariat du quartier : « Nous vous l’emmenons à la demande de sa mère, qui arrive ! »
J’étais folle de rage ! trahie une fois de plus, je répondis grossièrement à toutes les questions posées par le commissaire, jusqu’à ce qu’une série de gifles me clouent le bec …
Je décidais de jouer à la grande muette ; le mutisme est une arme merveilleuse …j’étais devenue un mur…Le commissaire m’inculpa de vagabondage et me garda dans une cellule.
La journée passa, puis la nuit, le gardien eut pitié de moi et m’apporta un café bien chaud et me couvrit de sa capote car je grelottais ; en 1942 ce fut un des hivers les plus froids en France…et en Europe, je crois.
Le lendemain après un nouvel interrogatoire où je me drapais dans mon mutisme… (j’avais découvert une parade et n’allais pas la lâcher de sitôt)… quelques coups, quelques gifles, le commissaire donna l’ordre de m’emmener à l’assistance publique…
Menottée accompagnée de deux policiers nous allâmes en métro à Denfer- Rochereau où siégeaient les bureaux d’accueil.
Une affiche représentant un bébé tendant ses bras, qui disait « Maman ne m’abandonne pas ! » là j’avoue que je faillis craquer…Les grandes personnes n’étaient pas seulement inconséquentes, mais méchantes, injustes, et d’une incommensurable bêtise. Mais ils possédaient tous les pouvoirs et du haut de mes presque douze ans je ne me battais pas à armes égales.
Les adultes étaient devenus mes ennemis. Je me sentais seule contre tous !
L’assistance publique avait ses règles, ses lois, nous étions quarante filles dans un dortoir en attente de jugement…je me retrouvais dans le bâtiment : prison pour mineur … (à cette époque,la majorité était à vingt et un ans)je fus parquée avec les grandes, car ma taille faisait de moi une presque jeune fille…c’était la plus agréable chose que j’avais entendue depuis longtemps.
Les gardes chiourmes munies d’un bâton et d’un fouet nous tenaient à distance et surtout nous devions respecter un silence parfait. J’appris à parler avec mes voisines sur le souffle en entrouvrant à peine la bouche…elles m’initièrent aux lois de cette jungle.
Les meilleurs moments étaient la nuit quand les sirènes mugissaient et que nous étions obligées de descendre dans la cave… la surveillance relâchée je grimpais sur une table, à la demande de mes compagnes et dansais en chantant les chansons de Maurice Chevalier, j’avais appris les claquettes dans mon enfance, et mon numéro de « Prosper Youpla boom » suivi de … « Ma pomme c’est moi…j’suis plus heureux qu’un roi !» faisait fureur !…
J’avais une grande capacité d’adaptation et beaucoup de camarades, ce qui me permit de vivre décemment auprès de mes compagnes de malheurs…
Pour le reste, il fallait se porter volontaire pour toutes les corvées, ce qui me permettait de gratter le fond les gamelles avant de les laver et apaiser cette faim qui ne me quittait plus.
Une pauvre petite jeune fille enceinte de sept mois recevait nombre de coups de pieds dans le ventre, essayant de protéger son bébé, elle hurlait à la mort, nous appelant à son secours… Pourquoi ? Mais parce que le père était noir et que les sévices étaient distribués avec une grande générosité… Je ne crois pas qu’elle ait pu aller jusqu’au bout de sa grossesse.
Une autre jeune fille avec laquelle je m’étais liée d’amitié, profitant de l’alerte essaya de s’enfuir, on lâcha les chiens…qui eurent vite fait de la retrouver, elle fut mutée dans une prison de femmes. Ses parents étaient en Algérie, sa grand-mère qui en avait la garde résidait à Nice, zone non occupée par les allemands, ne pouvait rien faire pour elle.
Mon amie fut accusée et enfermée –elle désirait simplement voir Paris avec une camarade.
A cette époque il était très facile de passer la ligne de démarcation…malheureusement la camarade tomba malade et fut hospitalisée… les choses se gâtèrent, demande de papier, adresse des parents et voici comment mon amie se retrouva à l’assistance publique à l’âge de quatorze ans sous l’inculpation de vagabondage !
Est-il possible que personne ne se préoccupe du sort de ces enfants mineurs en attente de leur jugement ?
( A suivre chapitre III et IV.)
Natacha Péneau

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MessageSujet: Re: Fin de l'enfance.   Fin de l'enfance. Icon_minitimeJeu 21 Juin - 9:07

Bonjour Natacha,

Quand je pense qu'aujourd'hui les parents n'ont pas droit de donner une claque à leur enfant. Ton histoire est dure, mais tu la racontes d'une façon si naturelle. Je note, cependant, que ta mère a eu de quoi payer une gouvernante, c'est étonnant.Pour le reste c'est une vie que peu de jeunes actuels pourraient supporter.

Tendrement

Jérôme
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Natacha Péneau

Natacha Péneau


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MessageSujet: fin de l'enfance   Fin de l'enfance. Icon_minitimeJeu 21 Juin - 9:47

Ma mère travaillait dans la décoration sur la peinture sur soie. c'était "un peintre"d'une grande téchnique, sans originalité mais avec une parfaite execution. Elle était très appréciée dans les ateliers russes créant leurs modéles pour des clopinettes.Elle peingnait également des icones pour les églises orthodoxes. elle n'a jamais eu plus d'argent que pour vivre modestement. La gouvernante était une dame russe qui devait être sans ressource en pleiine guerre et déjà d'un certain age, elles ont certainement fait un arrangement à l'amiable.
bon après midi... Nat.
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MessageSujet: Re: Fin de l'enfance.   Fin de l'enfance. Icon_minitime

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