LE VIOL.
« Va faire la sieste, tu es encore une petite fille. » me disait ma mère quand l’oncle V.. était à la maison.
L’Oncle V. était l’ami de ma mère ils vivaient ensemble je n’avais rien contre lui sauf qu’il prenait la place de mon Papa. Ça je ne lui pardonnais pas !
Il était sévère mais juste, ma mère n’avait rien à dire c’était lui qui commandait…je m’en suis accommodée, en rechignant parfois, mais nous arrivions à vivre dans une certaine harmonie…
Au début la sieste me parut amusante; Oncle V. me chatouillait et je riais comme une petite folle…
« Voulez vous rester tranquille vous deux..." bougonnait Maman," c’est la sieste » !
Nous faisions des grimaces contrites qui nous faisaient pouffer de rire.
La sieste était pour moi un moment de rigolade et d’interdit quelque part…
Les chatouilles se firent caresses ; les mains de l’homme descendirent de plus en plus bas…
J’avais un peu honte mais ma mère étant dans la chambre d’à côté je ne savais que faire, ni comment elle allait réagir et finalement s’il fallait faire quelque chose ?
Ces jeux ont duré tout un été. Je venais d’avoir neuf ans…
Un matin Maman devait aller à Paris (nous habitions dans la banlieue) elle me laissa à la maison avec Oncle V…
La matinée se passa sans histoire,j’appréhendai l’heure de la sieste , qui arriva pourtant…
« Viens sur le lit, » me dit il …
« Pas aujourd’hui »,nous étions face à face une table entre nous j’affrontai son regard...
Il était ravi de ma résistance - j'ai commencé à courir dans la maison,il était sur mes pas, j’entendai son souffle rauque dans mon dos, il finit par me rattraper et je vis son regard ivre noyé de plaisir…
Là …le trou noir ! m’a t-il frappé, me suis je cognée en tombant sur le lit, rien le noir….
Quand je repris conscience j’étais à moitié nue et couverte de sang. Il se tenait devant moi
debout le visage fermé : « Va te nettoyer, si tu dis un mot à qui que ce soit c’est ta mère qui payera » ! et il sortit de la maison.
Je n’ai rien dit.
En automne, de la même année, ma mère nous annonça qu’elle venait de signer un contrat pour travailler à l’étranger.
« Toi tu resteras avec oncle V jusqu’à ce que je trouve un appartement ensuite je vous ferai venir tous les deux. »
Je me sentis pâlir, jamais je ne resterais seule avec lui, jamais !
Il m’observait, j’étais traquée, je n’arrivais pas à être seule avec ma mère…jusqu’au jour où enfin ma mère et moi sortîmes ensemble faire quelques courses, oncle V. n’avait pu nous accompagner…
Là, bégayant ,m’empêtrant dans les mots je finis par raconter le jour du viol… je pleurais, demandais pardon à Maman de mettre sa vie en danger mais je ne savais que faire, je n’avais plus qu’elle.
Elle me prit dans ses bras me consola, me posa quelques questions, tout en disant : « j’aurai du m’en douter, je le savais… » Elle me demanda de me taire et me promit d’arranger les choses…
A la maison la vie continua comme si de rien n’était… je comptais les jours; il n’était question que du départ imminent de ma mère…et moi ?
Désespérée j’allais voire Grand-mère , mon dernier recours…
A nouveau j’expliquais en m’embrouillant, pleurant, rouge de honte ne sachant quels mots employer pour raconter : le viol.
Grand-mère se mit à pleurer … « tu vas rester à la maison ,reprendre ta chambre d’enfant et jamais plus je ne te laisserai aller là bas ! me dit elle,
Ne t’inquiète pas ton père va s’occuper de tout. »
Je me suis retrouvée dans ma chambre d’enfant, personne ne me parla de cette affaire, j’étais sauvée…
Ma mère fut convoquée par ma grand-mère, j’étais consignée dans ma chambre Une longue conversation s’en suivit…le résultat fut : ma grand mère ébranlée par les explications de Maman lui faisant croire que j’étais une petite fille menteuse qui avait tout inventée pour se venger de la sévérité de son ‘beau père’ …
Ma mère partit à l’étranger, son ‘homme’ l’a suivie peu de temps après .
Moi je restais avec Grand-mère qui jetait sur moi un regard étrange ; le doute était en elle et la culpabilité en moi…
Plus jamais je n’ai retrouvé ma grand-mère d’avant…
Sur son lit de mort ,j’étais déjà mariée et mère de trois enfants elle me posa cette question :
« dis moi… c’était vrai ? »
« Oui » répondis je…
Les yeux noyés de larmes, elle murmura : « pardonne moi, pardonne moi »…
L’oncle V. mourut à l’étranger des suites d’une opération.
Ma mère m’ayant abandonnée une fois de plus et trahie s’est justifiée plus tard en me disant qu’elle devait beaucoup à cet homme et de ce fait ne pouvait prendre mon parti …
Quant à moi : j’ai survécu arrosant mes blessures de larmes et de rires …
Natacha Péneau
Sam 16 Juin - 8:58