J’ai vu un assassin…
« Grand mère…grand mère, criai je essoufflée , avec papa, j’ai été chez un assassin ! »
Les yeux arrondis ma grand mère me regarda comme si j’étais folle, ou pire : si j’avais fait une énorme bêtise.
« Comment ???? " me dit-elle .
« Si quelqu’un tue un autre homme : c’est un assassin ? n’est ce pas ? " m’exclamais-je
« Bien sûr ! " marmotta ma grand mère avec un air moins assurée,
« Nous avons été chez tonton Ioussoupov et il m’a embrassé ! » j’étais fière de mon exploit !
Les grand mères ne comprennent pas les petits enfants je m’en suis rendue compte…Evidemment la mienne restait muette j’ai donc du tout lui expliquer…
« Tu sais bien grand mère, Raspoutine, a été assassiné par tonton Ioussoupov, le neveu du Tsar et un docteur français. »
« Mais c’était une exécution politique…un acte patriotique, tu n’y comprends rien !" s’exclama-t-elle, perdue les yeux remplis de larmes...
Je comprenais parfaitement que les uns avaient le droit de tuer et les autres pas !
Mais j’étais d’humeur contrariante et puis très fière de mon exploit ! qui sait si j’aurai encore l’occasion de voir un assassin ?
« Le neveu du Tsar pria Raspoutine à venir fêter un anniversaire chez lui. Raspoutine qui était déjà invité par ailleurs, se fit prier, puis accepta car il est difficile de refuser l’invitation d’un grand duc.
Chacun avait son rôle. Le Neveu lançait l’invitation et recevait Raspoutine.
Tonton Ioussoupov avec l’aide d’un médecin français devait procéder à l’assassinat en empoisonnant tous les gâteaux et les zakouskis servis avec la Vodka. Oui, tout était bien organisé…
En entrant Raspoutine eut des doutes … Trois personnes pour une fête –c’est peu… Il hésita avant d’entrer, puis devant l’insistance du Grand Duc, entra trinquer malgré tout !
Ayant mangé suffisamment de gâteaux au cyanure, de quoi tuer un boeuf Raspoutine prit congé et se dirigea vers la sortie .
Le docteur et Tonton Ioussoupov sortirent leur revolver et commencèrent à tirer. Ayant vidé leur chargeur dans la poitrine de Raspoutine, celui ci était toujours debout et bien vivant !
–Un Diable maudit- Nos assassins coururent le jeter dans la Néva glacée…Puis ils quittèrent la Russie pour se réfugier en France… »
Je n’ai probablement pas employé ces mots là, mais je connaissais cette histoire par cœur pour l’avoir entendue maintes et maintes fois. Je connaissais le neveu R. j’ai même été en vacances chez lui et plus tard à son enterrement, un peu avant la guerre…c’était le premier enterrement auquel j’ai assisté et je vous assure que pour une petite fille de six ans c’était impressionnant…
Quant au Tonton Ioussoupov, il était bizarre, d’une grande maigreur habillé de noir ; j’avais l’impression qu’il portait un remord indélébile jusqu’à la fin de sa vie…je l’ai vu à plusieurs occasions avec mon père …
Effectivement ce fut le premier assassin qui me serra la main et me caressa la tête.
Après ce fut la guerre de 1939 et puis la guerre d’Indochine et celle d’Algérie, qui s’en est sorti les mains blanches ? Qui avait le droit de tuer ? A combien d’assassins serre- t-on la main dans sa vie ?
Natacha Péneau
« Je mourrai dans des souffrances atroces. Après ma mort, mon corps n'aura point de repos. Puis tu perdras ta couronne. Toi et ton fils vous serez massacrés ainsi que toute la famille. Après le déluge terrible passera sur la Russie. Et elle tombera entre les mains du Diable.»
Raspoutine